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Publication du registre public des trusts : vers la sécurité et la transparence fiscale ?
Civil - Personnes et famille/patrimoine
12/09/2016
Rédigé sous la direction de Christine TURLIER, avocat associée, direction technique du département droit du patrimoine - FIDAL
En partenariat avec le Master 2 Droit du patrimoine professionnel (223), Université Paris-Dauphine
L’article 11 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière a créé le registre des trusts, dont les modalités d’accès ont été précisées dans le décret n° 2016-567 du 10 mai 2016. Le Conseil d’État a suspendu sa consultation le 22 juillet 2016 en raison d’une possible atteinte au droit au respect de la vie privée.
En partenariat avec le Master 2 Droit du patrimoine professionnel (223), Université Paris-Dauphine
L’article 11 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière a créé le registre des trusts, dont les modalités d’accès ont été précisées dans le décret n° 2016-567 du 10 mai 2016. Le Conseil d’État a suspendu sa consultation le 22 juillet 2016 en raison d’une possible atteinte au droit au respect de la vie privée.
La création du registre des trusts, ralentie depuis la loi du 6 décembre 2013 (la publication initiale était prévue le 1er janvier 2015), a été vivement relancée par l’affaire des « Panama Papers » et fortement encouragée par les ONG anti-corruption.
Beaucoup de dossiers traités par l’Administration fiscale française ont constaté l’établissement d’un trust visant la réalisation d’une évasion fiscale, il constituait alors souvent une démarche frauduleuse de la part d’une ou plusieurs parties au trust. La création d’un tel registre pour l’administration fiscale est donc justifiée. Le principal but de ces déclarations et de la publication de ce registre est la lutte contre les phénomènes mondiaux d’évasion fiscale. En effet, selon Transparency International France, « 80 % des flux illicites mondiaux liés à l’évasion fiscale transiteraient par des trusts ».
Ce registre, destiné à recueillir des informations sur les trusts générant des conséquences fiscales sur le territoire français, permettra donc à l’administration fiscale française d’identifier les bénéficiaires effectifs finaux et d’assurer un suivi des trusts déclarés pour ainsi contrôler les obligations déclaratives de chaque partie au contrat.
L’article 1649 AB du Code général des impôts et le décret n° 2016-567 du 10 mai 2016 imposent aux administrateurs de trusts, dont le constituant ou au moins un bénéficiaire a son domicile fiscal en France, ou qui comprend un bien ou droit y étant situé, d’en déclarer le nom du constituant ainsi que ceux des bénéficiaires, sa date de constitution, de modification ou d’extinction, ainsi que le contenu de ses termes et sa valeur vénale.
La France a également obtenu en avril dernier, grâce à la forte attention portée par Michel Sapin à ce registre, un engagement des ministres des finances des pays du G20 en faveur d’un tel outil de transparence. Un mouvement global de ce type permettra très certainement de renforcer la transparence fiscale mondiale, surtout s’il est mis en place par les États et territoires reconnaissant le trust.
Ce registre, établi à l’aide des déclarations précitées, était opérationnel depuis le 5 juillet 2016 et consultable depuis l’espace « particulier » ou « professionnel » du site impots.gouv.fr. Un service de recherche était proposé selon différents critères : par trust (en indiquant sa dénomination) ou par membre du trust (en indiquant a minima le nom d’une personne physique ou la dénomination d’une personne morale – ainsi que son rôle dans le trust).
Cependant, la nécessité d’une publication et le caractère public de celui-ci a été remise en cause par une question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil d’État. Le juge des référés a suspendu l’exécution du décret du 10 mai 2016 dans l’attente d’une réponse du Conseil constitutionnel. Le libre accès à ces données personnelles porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
Un trust peut prendre différentes formes : révocable (le constituant conserve le droit de disposer des biens ou droits) ou irrévocable (l’aliénation est définitive), discrétionnaire (l’administrateur désigne le(s) bénéficiaire(s) et décide des montants qui leur(s) seront attribués) ou non (décisions prises par le constituant) et dans certains cas doté d’une personne morale.
Bien qu’il existe aujourd’hui 16 000 entités assimilées à la notion de trust et connues de l’administration fiscale française, les trusts sont cependant inconnus en droit civil français. La jurisprudence (CA Paris, 10 janv. 1970, Courtois c/ consorts de Ganay) admet cependant qu’un trust puisse produire des effets en France aux conditions qu’il ait été constitué en respectant les lois en vigueur dans l’État de création et qu’il ne comporte pas de disposition contraire à l’ordre public français (qu’il ne porte pas atteinte à la réserve héréditaire par exemple).
Le trust est défini, depuis la loi de finances rectificative pour 2011 n° 2011-900 du 29 juillet 2011, à l’article 792-0 bis du Code général des impôts. Cependant, cette définition n’introduit pas pour autant le trust en droit français : elle permet seulement la qualification de trust pour des structures étrangères, au regard du droit fiscal.
Les droits de mutation à titre gratuit sont applicables, à la constitution du trust, dans les mêmes conditions de domiciliation fiscale et de lieu de situation des biens ou droits que lors d’une transmission entre vifs ou à cause de mort : le trust est transparent, le constituant est assimilé au donateur/défunt et le bénéficiaire au donataire/héritiers. Il est important de préciser que l’existence d’un trust n’a aucune incidence sur l’application de conventions fiscales internationales d’élimination de la double imposition en matière de succession et de donation.
Concernant l’impôt sur le revenu, les produits distribués par le trust aux bénéficiaires (quelle que soit la consistance des biens ou droits placés dans le trust) sont imposables dans la catégorie des revenus de valeurs mobilières. Les produits capitalisés au sein du trust ne sont quant à eux pas imposables au titre de l’impôt sur le revenu.
L’impôt de solidarité sur la fortune est dû sur les biens et droits placés dans un trust ainsi que sur leurs produits capitalisés pour leur valeur nette au 1er janvier de l’année d’imposition, par le constituant ou le bénéficiaire réputé constituant.
Ces différents régimes d’imposition ne varient pas en fonction de la forme du trust, exception faite des trusts irrévocables dont les bénéficiaires exclusifs sont des personnes morales ou organismes qui affectent ces donations ou successions à des activités non lucratives et dont l’administrateur est soumis à la loi d’un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale. Ces trusts sont exonérés d’impôts sur le revenu et la fortune, ainsi que de droits de mutation à titre gratuit.
> À LIRE (ndlr) : Le registre public des trusts jugé contraire à la Constitution
Outil de lutte contre la fraude fiscale
Beaucoup de dossiers traités par l’Administration fiscale française ont constaté l’établissement d’un trust visant la réalisation d’une évasion fiscale, il constituait alors souvent une démarche frauduleuse de la part d’une ou plusieurs parties au trust. La création d’un tel registre pour l’administration fiscale est donc justifiée. Le principal but de ces déclarations et de la publication de ce registre est la lutte contre les phénomènes mondiaux d’évasion fiscale. En effet, selon Transparency International France, « 80 % des flux illicites mondiaux liés à l’évasion fiscale transiteraient par des trusts ».
Ce registre, destiné à recueillir des informations sur les trusts générant des conséquences fiscales sur le territoire français, permettra donc à l’administration fiscale française d’identifier les bénéficiaires effectifs finaux et d’assurer un suivi des trusts déclarés pour ainsi contrôler les obligations déclaratives de chaque partie au contrat.
> Cet article fait partie du dossier spécial Patrimoine 2016
Déclarations au registre public des trusts
L’article 1649 AB du Code général des impôts et le décret n° 2016-567 du 10 mai 2016 imposent aux administrateurs de trusts, dont le constituant ou au moins un bénéficiaire a son domicile fiscal en France, ou qui comprend un bien ou droit y étant situé, d’en déclarer le nom du constituant ainsi que ceux des bénéficiaires, sa date de constitution, de modification ou d’extinction, ainsi que le contenu de ses termes et sa valeur vénale.
La France a également obtenu en avril dernier, grâce à la forte attention portée par Michel Sapin à ce registre, un engagement des ministres des finances des pays du G20 en faveur d’un tel outil de transparence. Un mouvement global de ce type permettra très certainement de renforcer la transparence fiscale mondiale, surtout s’il est mis en place par les États et territoires reconnaissant le trust.
Ce registre, établi à l’aide des déclarations précitées, était opérationnel depuis le 5 juillet 2016 et consultable depuis l’espace « particulier » ou « professionnel » du site impots.gouv.fr. Un service de recherche était proposé selon différents critères : par trust (en indiquant sa dénomination) ou par membre du trust (en indiquant a minima le nom d’une personne physique ou la dénomination d’une personne morale – ainsi que son rôle dans le trust).
Cependant, la nécessité d’une publication et le caractère public de celui-ci a été remise en cause par une question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil d’État. Le juge des référés a suspendu l’exécution du décret du 10 mai 2016 dans l’attente d’une réponse du Conseil constitutionnel. Le libre accès à ces données personnelles porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
> POUR ALLER PLUS LOIN
Qu'est-ce qu'un trust ?
Le trust est une institution très répandue dans les systèmes juridiques anglo-saxons. Sa principale caractéristique réside dans l’existence d’une double propriété : la propriété juridique (« legal ownership »), qui revient à un administrateur (« trustee »), et la propriété économique (« equitable interest »), revenant à un ou plusieurs bénéficiaires (« beneficiary »). L’ensemble de ces relations juridiques est créé par une personne ayant la qualité de constituant (« settlor »), au sein d’un document écrit ou d’un testament.
Dans les États où le trust est reconnu, celui-ci permet notamment au constituant de déléguer l’administration des biens ou droits placés au sein du trust (souvent à des fins de protection présente ou future de son patrimoine), de neutraliser ou réduire sa charge fiscale, ou encore de garantir une certaine confidentialité concernant l’ampleur de son patrimoine.Un trust peut prendre différentes formes : révocable (le constituant conserve le droit de disposer des biens ou droits) ou irrévocable (l’aliénation est définitive), discrétionnaire (l’administrateur désigne le(s) bénéficiaire(s) et décide des montants qui leur(s) seront attribués) ou non (décisions prises par le constituant) et dans certains cas doté d’une personne morale.
Le trust en France
Bien qu’il existe aujourd’hui 16 000 entités assimilées à la notion de trust et connues de l’administration fiscale française, les trusts sont cependant inconnus en droit civil français. La jurisprudence (CA Paris, 10 janv. 1970, Courtois c/ consorts de Ganay) admet cependant qu’un trust puisse produire des effets en France aux conditions qu’il ait été constitué en respectant les lois en vigueur dans l’État de création et qu’il ne comporte pas de disposition contraire à l’ordre public français (qu’il ne porte pas atteinte à la réserve héréditaire par exemple).
Le trust est défini, depuis la loi de finances rectificative pour 2011 n° 2011-900 du 29 juillet 2011, à l’article 792-0 bis du Code général des impôts. Cependant, cette définition n’introduit pas pour autant le trust en droit français : elle permet seulement la qualification de trust pour des structures étrangères, au regard du droit fiscal.
Les droits de mutation à titre gratuit sont applicables, à la constitution du trust, dans les mêmes conditions de domiciliation fiscale et de lieu de situation des biens ou droits que lors d’une transmission entre vifs ou à cause de mort : le trust est transparent, le constituant est assimilé au donateur/défunt et le bénéficiaire au donataire/héritiers. Il est important de préciser que l’existence d’un trust n’a aucune incidence sur l’application de conventions fiscales internationales d’élimination de la double imposition en matière de succession et de donation.
Concernant l’impôt sur le revenu, les produits distribués par le trust aux bénéficiaires (quelle que soit la consistance des biens ou droits placés dans le trust) sont imposables dans la catégorie des revenus de valeurs mobilières. Les produits capitalisés au sein du trust ne sont quant à eux pas imposables au titre de l’impôt sur le revenu.
L’impôt de solidarité sur la fortune est dû sur les biens et droits placés dans un trust ainsi que sur leurs produits capitalisés pour leur valeur nette au 1er janvier de l’année d’imposition, par le constituant ou le bénéficiaire réputé constituant.
Ces différents régimes d’imposition ne varient pas en fonction de la forme du trust, exception faite des trusts irrévocables dont les bénéficiaires exclusifs sont des personnes morales ou organismes qui affectent ces donations ou successions à des activités non lucratives et dont l’administrateur est soumis à la loi d’un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale. Ces trusts sont exonérés d’impôts sur le revenu et la fortune, ainsi que de droits de mutation à titre gratuit.
Source : Actualités du droit