Retour aux articles

Articulation des délais pour saisir le JLD dans le cadre d'une réadmission en hospitalisation complète

Public - Santé
Civil - Procédure civile et voies d'exécution
01/06/2018
La première chambre civile clarifie la manière dont il convient de conjuguer les délais de saisine du juge des libertés et de la détention prévus à l’article L. 3211-12-1 du Code de la santé publique, dont le non-respect, hors circonstances exceptionnelles, permet au magistrat de constater sans débat que la mainlevée de la mesure est acquise.
Par arrêté préfectoral du 4 novembre 2016, une personne fait l’objet d’une décision de réadmission en hospitalisation complète, à la suite de l’arrêt de son traitement et de la découverte d’un couteau qu’il avait introduit dans le lieu de soins. Le patient, ayant fugué de l’établissement, est réintégré le 8 novembre de la même année.
Le juge des libertés et de la détention (JLD) est saisi le 14 novembre 2016. Par ordonnance du même jour, il estime que les délais légaux, dans lesquels il devait être saisi, n’ont pas été respectés. Ceci portant nécessairement atteinte aux droits de la personne concernée, il ordonne la fin de la mesure d’hospitalisation.
La décision du JLD est infirmée en appel (CA Nîmes, prem. prés., 16 nov. 2016, RG n° 16/00328). La personne hospitalisée et l’UDAF, agissant en qualité de curateur, forment un pourvoi en cassation, la première chambre civile devant se prononcer sur la manière dont il convient de mettre en œuvre les dispositions de l’article L. 3211-12-1 du Code de la santé publique.

Pour mémoire, ce texte prévoit, depuis 1er septembre 2014 (L. n° 2013-869, 27 sept. 2013, JO 29 sept., art. 5 et 14), que l’hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le JLD, préalablement saisi, n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de douze (ou non plus quinze) jours à compter de l'admission. Le juge des libertés et de la détention est alors être saisi dans un délai de huit jours à compter de cette admission (C. santé publ., art. L. 3211-12-1, I, 1°). On rappellera également qu’en application des articles 641 et 642 du Code de procédure civile, lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de la décision qui le fait courir ne compte pas, que tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures et que le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
Les dispositions du Code de la santé publique prévoient également les conséquences du non-respect de ces délais (C. santé publ., art. L. 3211-12-1, IV). Ainsi, lorsque le JLD n'a pas statué avant l'expiration du délai de douze jours, la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète est acquise à l'issue dudit délai ; si le JLD est saisi après l'expiration du délai de huit jours, il constate sans débat que la mainlevée de l'hospitalisation complète est acquise, à moins qu'il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l'origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense.

En l’espèce, après avoir repris les termes du 1° du I de l’article L. 3211-12-1 du Code de la santé publique, le conseiller délégué par le premier président pour statuer en la matière, considère qu’ « en prévoyant ces deux délais, le législateur a entendu que nul patient ne puisse être privé de sa liberté plus de douze jours, sans que le JLD, garant des libertés individuelles, ne se prononce sur le bien-fondé de cette privation ».
Or, en l’espèce, le JLD a été saisi le 14 novembre et s’est prononcé le jour même ; il a donc bien statué dans un délai de douze jours et, ce, que le dies a quo soit fixé le 4 novembre, date de la décision de réadmission ou le 8 novembre, date de la réintégration du patient à la suite de sa fugue (et donc de la privation effective de liberté). La saisine du JLD étant régulière, l’ordonnance déférée devait donc être infirmée, d’autant que, selon les magistrats nîmois, le délai de huit jours instauré par le texte précité n’a « pour seul objet que de permettre l’organisation de l’audience qui était possible le 14 novembre 2016 ».
Sur le fond, après évocation, la première présidence estime qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la mainlevée de la mesure, dès lors que les conditions légales de l’hospitalisation sans consentement demeuraient remplies depuis l’admission du patient.

Procédant à une heureuse clarification, la première chambre civile énonce, au visa de de l’article L. 3211-12-1 du Code de la santé publique, « qu’il résulte du I de ce texte que le juge des libertés et de la détention est saisi dans un délai de huit jours à compter de la décision prononçant l’admission ou la réadmission du patient en hospitalisation complète, et de son IV que, s’il est saisi après l’expiration de ce délai, le juge constate sans débat que la mainlevée de l’hospitalisation complète est acquise, à moins qu’il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l’origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense ». La cassation était donc encourue en l’espèce, dès lors que le premier président avait constaté que le JLD avait été saisi plus de huit jours après la décision d’admission du patient en hospitalisation complète et qu’il n’avait pas relevé l’existence d’une circonstance exceptionnelle de nature à justifier un report.
Le texte ne se comprend donc pas comme imposant au JLD, "dans le pire des cas", un délai maximal de quatre jour pour statuer, mais comme instaurant un double délai butoir, dont chaque composante, indépendante, doit être respectée à peine de mainlevée de la mesure d'hospitalisation.
Source : Actualités du droit