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Lutte contre l’habitat indigne : l’ordonnance enfin publiée

Civil - Immobilier
17/09/2020
L’ordonnance relative à l’harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations a été publiée au Journal officiel le 16 septembre 2020. Pris sur le fondement de la loi ÉLAN, ce texte marque une nouvelle étape dans la lutte contre l’habitat indigne. 
L’ordonnance n° 2020-1144, publiée le 17 septembre au Journal officiel, est prise sur le fondement de l’article 198 de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN (L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, JO 24 nov., art. 198). Cet article habilitait le Gouvernement à prendre des mesures pour améliorer et renforcer la lutte contre l’habitat indigne.
 
Trois objectifs poursuivis par l’ordonnance :
- harmoniser et simplifier les polices administratives spéciales de lutte contre l’habitat indigne ;
- permettre aux maires de mieux traiter les situations d’urgence ;
- favoriser l’organisation au niveau intercommunal des moyens et outils de lutte contre l’habitat indigne.
 
En effet, les préfets, maires et présidents d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) disposent de pouvoirs de police administrative leur permettant d’ordonner aux propriétaires d’intervenir sur un habitat insalubre ou d’intervenir en substitution des propriétaires et de leur imputer les frais afférents. Néanmoins, « Les régimes de cette police administrative spéciale sont nombreux, complexes et les autorités compétentes multiples » et « ces régimes de police administrative spéciale ne permettent pas d'intervenir, lorsque cela peut s'avérer nécessaire, dans la journée » souligne le Rapport au Président de la République.
 
L’ordonnance du 16 septembre apporte donc des simplifications importantes.
 
 
Création d’une unique police administrative spéciale de la sécurité et de la salubrité des immeubles
Le titre V du Code de la construction et de l’habitation est réécrit par l’ordonnance. Cette dernière veut harmoniser et simplifier les polices des immeubles, locaux et installations. Ainsi, une police unique est créée « en remplacement de plus d’une dizaine de procédures existantes relevant de plusieurs codes (santé publique, construction et habitation) » (Compte-rendu du Conseil des ministres, 16 sept. 2020).
 
La nouvelle police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations a pour objet « de protéger la sécurité et la santé des personnes ». Elle doit remédier à certaines situations, à savoir :
- les risques présentés par les murs, bâtiment ou édifices quelconques n’offrant pas « les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité des occupants et des tiers » ;
- le fonctionnement défectueux ou le défaut d’entretien des équipements communs d’un immeuble collectif à usage principal d’habitation ;
- l’entreposage de matières explosives ou inflammables dans un local attenant ou compris dans un immeuble collectif à usage principal d’habitation ;
- l’insalubrité.
 
L’ordonnance précise que les autorités compétentes pour déclencher la procédure sont :
- les préfets pour les dangers pour la santé des personnes ;
- les maires et présidents d’ECPI pour la sécurité des personnes.
 
À noter que le signalement devient obligatoire : « Toute personne ayant connaissance de faits révélant l'une des situations mentionnées à l'article L. 511-2 signale ces faits à l'autorité compétente, qui met en œuvre, le cas échéant, les pouvoirs définis par le présent chapitre » dispose le nouvel article L. 511-6 du Code de la construction et de l’habitation.
 
 
Une procédure simplifiée
Si l’autorité compétente « peut faire procéder à toutes visites qui lui paraissent utiles afin d'évaluer les risques », l’ordonnance prévoit néanmoins que lorsque ces lieux sont à usage total ou partiel d’habitation, « les visites ne peuvent être effectuées qu'entre 6 heures et 21 heures ». Et dans l’hypothèse où l’occupant s’oppose à la visite ou s’il est impossible d’accéder aux lieux, une autorisation du juge des libertés et de la détention est nécessaire.
 
Le déroulement procédural, « de la préparation de l’arrêté de mise en sécurité jusqu’à son exécution » précise le rapport,  est aussi modifié et détaillée par l’article 1er de l’ordonnance qui réécrit les articles L. 511-6 à L. 511- 18 du Code de la construction et de l’habitation. La procédure est uniformisée qu’il s’agisse d’une procédure engagée par le préfet, le maire ou le président d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Sont notamment organisés :
- la possibilité de saisir le tribunal administratif pour la nomination d’un expert ;
- le déroulement de la phase contradictoire préalable à la prise de l’arrêté ;
- les mesures pouvant être ordonnées par arrêté de police (réparation, démolition, cessation de la mise à disposition, interdiction d’habiter, d’exploiter ou d’accéder aux liens en question) ;
- l’application du régime du droit des occupants ;
- celle du dispositif de l’astreinte administrative ;
- et la possibilité d’exécuter d’office l’arrêté.
 
L’ordonnance organise également une procédure d’urgence : la procédure est allégée. La procédure contradictoire est absente et il est possible pour l’autorité compétente d’intervenir dans la journée.
 
Enfin, l’ordonnance précise les sanctions pénales à l’article L. 511-22 du Code de la construction et de l’habitation, notamment en cas de refus délibéré et sans motif légitime d’exécuter les travaux et mesures prescrits ou le fait de ne pas déférer à une mise en demeure concernant des locaux mis à disposition et aux fins d’habitation dans des conditions qui conduisent manifestement à leur sur-occupation. Les personnes morales peuvent également être déclarées responsables pénalement. L’ordonnance reprend les dispositions existantes.
 
Les articles 2 à 14 de l’ordonnance sont des mesures de coordination et opèrent les changements nécessaires.
 

L’organisation au niveau intercommunal favorisé
L’article 15 de l’ordonnance vient modifier l’article L. 5211-9-2 du Code général des collectivités territoriales. Le régime des transferts des pouvoirs de la police de lutte contre l’habitat indigne entre les maires et présidents d’EPCI remanié. Un président d’EPCI est dorénavant limité en ce qu’il ne peut pas renoncer à exercer les pouvoirs de police transférés par les maires des communes membres. Exception : « sauf si au moins la moitié des maires de ces communes se sont opposés au transfert de plein droit, ou si les maires s'opposant à ce transfert représentent au moins la moitié de la population de l'établissement ».
 
L’ordonnance prévoit également que le maire peut transférer ses pouvoirs de police « à tout moment » au président de l’EPCI. Pour mémoire, le transfert intervient actuellement uniquement au moment de l’élection du président (sauf opposition). « Ainsi, un maire qui se serait opposé au transfert pourra revenir sur sa décision, notamment pour s’appuyer sur l’EPCI qui aura entre-temps développer un service et des compétences en matière de lutte contre l’habitat indigne » souligne le rapport au Président de la République. Et ces pouvoirs de police ne peuvent être refusés par le président de l’EPCI que « s’il n’exerce pas déjà de tels pouvoirs sur le territoire d’une ou plusieurs communes membres » précise l’ordonnance.
 
S’agissant du cadre des délégations des pouvoirs de préfets au titre de la lutte contre l’habitat indigne aux présidents d’EPCI, il est utile de rappeler qu’actuellement, ces délégations sont possibles si l’EPCI :
- est délégataire des aides à la pierre ;
- dispose d’un service dédié à la lutte contre l’habitat indigne ;
- et bénéficie de l’ensemble des transferts des pouvoirs de police de lutte contre l’habitat indigne de tous les maires des communes membres.
L’ordonnance vient assouplir ce cadre en modifiant cette troisième condition : il suffira qu’au minimum un seul maire ait transféré ses pouvoirs de police.
 

L’entrée en vigueur prévue au 1er janvier 2021
À noter que les dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 2021 et ne seront applicables qu’aux arrêtés notifiés à compter de cette date.
 
Le compte-rendu du conseil des ministres du 16 septembre précise alors qu’un décret d’application sera pris avant la fin de l’année et que le projet de loi de ratification de cette ordonnance sera déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois.
 
Source : Actualités du droit