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La semaine du droit des assurances

Affaires - Assurance
25/05/2020
Présentation des dispositifs des derniers arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit des assurances.
FGTI – victime d’infraction constitutive d’un acte de terrorisme – réparation intégrale
« Selon l’arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2019), statuant en matière de référé, rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 8 février 2018, pourvoi n° 17-10.456), à la suite de l’attentat terroriste commis le 9 janvier 2015, dans le magasin Hyper Cacher, situé avenue de la Porte de Vincennes à Paris, durant lequel un homme a pris des clients en otage et tué quatre personnes avant d’être abattu par les forces de l’ordre lorsqu’elles ont donné l’assaut, Mme Y... a été inscrite sur la liste unique des victimes d’actes de terrorisme établie par le procureur du République près le tribunal de grande instance de Paris.
Mme Y..., après avoir reçu des sommes provisionnelles du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (le FGTI), l’a assigné aux fins d’expertise et en paiement d’une provision supplémentaire à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices psychologique et professionnel.
 
Vu l’article 809, alinéa 2, devenu 835, alinéa 2, du Code de procédure civile, les articles L. 126-1 et L. 422-1 du Code des assurances, en leur rédaction applicable à l’espèce, et l’article 421-1 du Code pénal :
Il résulte des deuxième et troisième de ces textes que la réparation intégrale des dommages résultant d’une atteinte à la personne subis par les victimes d’infractions constitutives d’actes de terrorisme, visées par le dernier de ces textes, est assurée par l’intermédiaire du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme.
L’arrêt, après avoir relevé qu’il est constant que l’attentat commis le 9 janvier 2015 dans le magasin Hyper Cacher à Paris constitue un acte de terrorisme au sens des articles L. 126-1 du Code des assurances et 421-1 du Code pénal et qu’il incombe à Mme Y... de faire la preuve qu’elle est victime de cet attentat, retient d’une part, que celle-ci démontre s’être trouvée dans la zone de danger au moment de l’attentat et d’autre part, que ce dernier lui a causé un traumatisme psychologique d’une exceptionnelle intensité, constaté par l’expert judiciaire, en lien direct, certain et exclusif avec les faits.
La décision en déduit que la demanderesse a été, avec l’évidence requise en référé, victime de l’attentat, sans qu’il soit besoin que la juridiction précise la nature et les éléments matériels de l’infraction qu’elle retient comme ayant été commise au préjudice de cette victime, contrairement à ce que le FGTI demande.
En se déterminant ainsi, alors qu’il lui appartenait de caractériser une infraction constitutive d’un acte de terrorisme prévue par l’article 421-1 du Code pénal, ouvrant droit de manière non sérieusement contestable à l’indemnisation sollicitée du FGTI, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».
Cass. 2e civ., 20 mai 2020, n° 19-12.780, P+B+R+I *
 
 
Suicide – conséquences dommageables – réparation
«
 Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 29 novembre 2018), le [...], un train a percuté A... X..., à hauteur de [...] et a entraîné son décès.
L’enquête diligentée a conclu au suicide, A... X... s’étant jeté sous le train lors de l’arrivée de celui-ci en gare.

Cet accident ayant entraîné des dommages matériels et immatériels, L’EPIC SNCF Mobilités (SNCF Mobilités) a sollicité la réparation de son préjudice auprès de la société Macif, assureur de la responsabilité civile de A.. X... (l’assureur). 
L’assureur ayant refusé sa garantie, la SNCF Mobilités l’a assigné en réparation de ses préjudices.
 
Ayant relevé par motifs propres et adoptés, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve, qu’en se jetant sous le train qui arrivait en gare, l’intention de A... X... était de mettre fin à ses jours et que rien ne permettait de conclure qu’il avait conscience des conséquences dommageables de son acte pour la SNCF, ce dont il se déduisait que l’assurance n’avait pas perdu tout caractère aléatoire, la cour d’appel, qui a caractérisé l’absence de faute dolosive, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ».
Cass. 2e civ., 20 mai 2020, n° 19-14.306, P+B+I *
 
 
Incendie – faute dolosive – caractère aléatoire – garantie
« Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 5 décembre 2018), dans la nuit du 31 janvier au 1er février 2009, un incendie s'est produit dans l'appartement de M. X… et a provoqué le décès de ce dernier ainsi que d'importants dommages à l’immeuble.
La société Axa France IARD, assureur de la copropriété, après avoir indemnisé les frais de réparations, s'est retournée contre la société Macif, assureur de M. X…, qui a refusé sa garantie au motif que ce dernier s'était suicidé et avait cherché à causer le dommage à la copropriété.
Le 30 janvier 2014, la société Axa France IARD a assigné la société Macif en garantie.

 
Après avoir exactement énoncé que la faute intentionnelle et la faute dolosive, au sens de l’article L. 113-1 du Code des assurances, sont autonomes, chacune justifiant l’exclusion de garantie dès lors qu’elle fait perdre à l’opération d’assurance son caractère aléatoire, la cour d’appel a retenu que les moyens employés par M. X…, en installant une cuisinière à gaz et deux bouteilles de gaz dans le séjour, “dépassaient très largement ce qui était nécessaire pour uniquement se suicider” et témoignaient de la volonté de provoquer une forte explosion et que si l'incendie n'avait pas pour motivation principale la destruction de matériels ou de tout ou partie de l'immeuble, celle-ci était inévitable et ne pouvait pas être ignorée de l'incendiaire, même s'il était difficile d'en apprécier l'importance réelle et définitive.
De ces constatations et énonciations, la cour d’appel a pu déduire que M.X… avait commis une faute dolosive excluant la garantie de son assureur et a légalement justifié sa décision »
.
Cass. 2e civ., 20 mai 2020, n° 19-11.538, P+B+I *
 
 
Accident de la circulation – indemnisation – prédisposition pathologique  
« Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 3 septembre 2018), que, le 23 août 2011, M. X…, alors âgé de 56 ans, a été victime d'un accident de la circulation, dans lequel était impliqué le véhicule conduit par Mme Y…, assurée auprès de la société MAAF assurances (l'assureur) ; que M. X… se plaignant d'avoir, à la suite de la collision, perçu un « flash » et ressenti des décharges dans les membres inférieur et supérieur droits, a été transporté dans un centre hospitalier où a été diagnostiqué un traumatisme cervical bénin ; que dans les deux jours suivant l'accident, M. X… a présenté des tremblements de la main droite associés à des céphalées ; qu'une scintigraphie cérébrale a mis en évidence un syndrome parkinsonien ; qu'après expertise, M. X… a assigné Mme Y… et l'assureur en réparation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde ;
 
Mais après avoir exactement énoncé que le droit de la victime d'un accident de la circulation à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est résulté n'a été provoquée ou révélée que du fait de l'accident, la cour d'appel a retenu que, selon l'anamnèse de l'état de santé de M. X…, il n'avait été repéré avant l'accident ni tremblements ni maladie de Parkinson, que si la maladie de Parkinson n'était pas d'origine traumatique selon les avis spécialisés recueillis par l'expert, il ressortait de ces mêmes avis que cette maladie était, chez M. X…, un état antérieur méconnu, que selon les conclusions de l'expert il n'était pas possible de dire dans quel délai cette maladie serait survenue, que la pathologie de M. X… ne s'était pas extériorisée avant l'accident sous la forme d'une quelconque invalidité, que cette affection n'avait été révélée que par le fait dommageable, en sorte qu'elle lui était imputable et que le droit à réparation de M. X… était intégral ; qu'ayant ainsi fait ressortir qu'il n'était pas justifié que la pathologie latente de M. X…, révélée par l'accident, se serait manifestée dans un délai prévisible, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à d'autres recherches, a légalement justifié sa décision ».
Cass. 2e civ., 20 mai 2020, n° 18-24.095, P+B+I *
 
 
Accident de la circulation – indemnisation – offre – taux doublés
« Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 novembre 2018), M. Y… a été victime, le 3 mars 2010, d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué le véhicule conduit par M. X.., assuré par la société GMF (l'assureur).
M. Y… a assigné M. X… et l'assureur aux fins d'être indemnisé de l'ensemble de ses préjudices, en présence de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, la Caisse des dépôts et consignations, l'établissement public université Paris Diderot et la mutuelle Mutualité familiale du corps médical Français.
Plusieurs membres de la famille de M. Y… (les consorts Y-D) sont intervenus volontairement à l'instance.
L'assureur a adressé en cours de procédure à M. Y… une offre d'indemnisation, par lettre du 4 juillet 2012.

Les consorts Y-D contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que la critique de l'assureur est nouvelle, en l'absence d'une discussion engagée devant la cour d'appel sur l'assiette à retenir pour le calcul des intérêts au taux doublé.
Cependant, le moyen, qui soutient que la cour d'appel ne pouvait pas légalement calculer les intérêts au taux légal doublé sur le capital constitutif de la rente alors qu'elle avait constaté que l'offre de paiement de l'assureur était constituée d'une rente et non pas d'un capital, ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été constaté par les juges du fond, est de pur droit et, partant, peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.
Le moyen est donc recevable.


Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du Code des assurances :
Lorsque l'offre prévue par le premier de ces textes n'a pas été faite dans les délais impartis, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal. Si l'assureur offre de payer une rente, le doublement du taux s'applique non pas au capital servant de base à son calcul mais aux arrérages qui auraient été perçus à compter de l'expiration du délai de l'offre jusqu'au jour de celle-ci, si elle intervient, ou jusqu'à la décision définitive.
Après avoir constaté que l'offre d'indemnisation de l'assureur comprenait une rente indemnisant le besoin d'assistance par une tierce personne de la victime, après consolidation, la cour d'appel a condamné l'assureur à payer à M. Y… les intérêts au double du taux de l'intérêt légal pour la période du 4 novembre 2010 au 4 juillet 2012 sur une somme incluant le capital constitutif de cette rente, d'un montant de 202 907,88 euros ;
En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

Cass. 2e civ., 20 mai 2020, n° 19-13.309, P+B+I *
 
 
Accident de la circulation – part contributive – codébiteur solidaire – préjudice économique
« Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er octobre 2018), le 3 mars 2007, M. X…, conducteur d'un véhicule, assuré auprès de la société Axa France IARD, son épouse Mme Y… et leur fils Z… (les consorts XYZ), alors âgé de 3 mois, ont été victimes d'un accident complexe de la circulation routière dans lequel ont été impliqués les véhicules de M. A…, assuré auprès de la société Avanssur, de Mme B…, assuré auprès de la Maif, de Mme C…, assuré auprès de la société AIG Europe, venant aux droits de la société AIG Europe Limited, de Mme D…, assuré auprès de la Matmut, de E…, non assuré et de M. F…, assuré auprès de la société Garantie Mutuelle des fonctionnaires et employés de l'Etat des services publics (Gmf).

La société Axa France IARD a assigné l'ensemble des conducteurs des véhicules impliqués dans l'accident, les assureurs et les consorts XYZ aux fins de réparation des préjudices subis par ces derniers et de répartition de la dette d'indemnisation.
L'action publique engagée à l'encontre de E… notamment pour conduite en état d'ébriété a été éteinte par son décès, survenu le 20 juin 2009.

 
L'arrêt, en dépit de la formule générale du dispositif qui « rejette toutes demandes autres, plus amples ou contraires », n'a pas statué sur le chef de demande de la société Axa France IARD tendant à la condamnation in solidum des sociétés Avanssur et GMF à la garantir de toutes les sommes qu'elle avait déjà versées et pourrait être amenée à verser au titre de l'indemnisation des préjudices des consorts XYZ dès lors qu'il ne résulte pas des motifs de la décision que la cour d'appel ait examiné cette prétention.
L'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du Code de procédure civile, le moyen n'est pas recevable en ses trois premières branches et ne peut être accueilli pour le surplus.

Le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation et son assureur qui a indemnisé les dommages causés à un tiers ne peuvent exercer un recours contre un autre conducteur impliqué que sur le fondement des articles 1382, 1213, 1214 et 1251 du Code civil en leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause. La part contributive respective de chacun des conducteurs fautifs de véhicules impliqués dans l'accident est fixée en proportion de leurs fautes respectives, dont l'appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond. Le codébiteur tenu in solidum, qui a exécuté l'entière obligation, ne peut, comme le codébiteur solidaire, même s'il agit par subrogation, répéter contre les autres débiteurs que les part et portion de chacun d'eux. Si l'un des codébiteurs se trouve insolvable, la perte qu'occasionne son insolvabilité se répartit, par contribution, entre tous les autres codébiteurs solvables et celui qui a fait le paiement.
Il résulte des dispositions des articles 1213 et 1214, en leur rédaction applicable à l'espèce, que le décès de l'un des codébiteurs tenu in solidum, comme celui d'un codébiteur solidaire, qui laisse plusieurs héritiers, n'efface pas le caractère solidaire de la dette au regard des débiteurs originaires. Il en modifie seulement les effets pour les héritiers, tenus dans la proportion de leurs parts héréditaires.


La cour d'appel, pour rejeter les demandes tendant à ce que les sociétés Avanssur et GMF garantissent les sociétés Maif, Matmut et AIG Europe et leurs assurées respectives de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre, après avoir rappelé que la dette de contribution incombant à E… de son vivant n'a pas été éteinte par son décès mais transmise passivement à ses héritiers, dont il n'est pas allégué qu'ils seraient insolvables et que la solution du litige impose de déterminer la part contributive respective de chacun des trois conducteurs fautifs de véhicules impliqués dans l'accident, et ce nonobstant le fait que l'un d'entre eux n'était pas partie en cause d'appel, personnellement ou par représentation, et estimé que la gravité des fautes commises par M. A et par M. D… induit leur contribution à la dette indemnitaire à hauteur de 45 % chacun et que les fautes de moindre gravité commises par M. F… induisent sa contribution à la dette à hauteur de 10 %, a légalement justifié sa décision.
 
Pour débouter M. X… de sa demande de condamnation in solidum des autres conducteurs, avec leur assureur respectif, à lui verser une somme au titre de son préjudice économique par ricochet alors qu'il soutenait qu'à la date de l'accident, il avait créé depuis deux ans une entreprise de « trading international en matières premières », l'arrêt relève notamment que M. X… n'a pas fourni d' information précise sur l'évolution de sa situation professionnelle à compter de l'année 2004 jusqu'à l'accident du 3 mars 2007, n'a produit aucune information sur la provenance de ses revenus salariaux sur ces années et aucune pièce justificative à leur égard, que lors de son audition par les enquêteurs de police à la suite de l'accident, il s'est déclaré sans activité professionnelle et sans aucun revenu, que certains courriels, postérieurs au 3 mars 2007, démentent l'affirmation selon laquelle il aurait abandonné son activité de courtage à compter du jour de l'accident pour se consacrer exclusivement à l'assistance de son épouse et de son enfant gravement blessés, que parmi les pièces produites ne figure ni contrat de courtage signé par lui, ni, essentiellement, facture ou note d'honoraire ou de commission établie par lui au nom d'un quelconque mandant ou donneur d'ordre, que cette constatation est corroborée par le fait que, pour les années 2004 à 2007, ses avis d'imposition ne font mention d'aucun revenu non salarial et qu'il ne prouve pas que ses tentatives d'insertion dans le domaine du courtage international de matières premières lui aient procuré de quelconques revenus.
En déduisant de ces constatations qu'il n'est pas établi par M. X…, qu'après deux années de tentatives, il aurait conservé des chances de réussir une insertion que l'accident lui aurait fait perdre, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé les conclusions de ce dernier et a procédé à la recherche prétendument omise sur la perte de chance alléguée, a caractérisé, sans encourir les autres griefs du moyen, l'absence de préjudice économique par ricochet invoqué ».

Cass. 2e civ., 20 mai 2020, n° 19-10.247, P+B+I *
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 25 juin 2020.
 
Source : Actualités du droit