Retour aux articles

Injonction de payer : l’exécution volontaire ne rattrape pas l’absence de signification de l’ordonnance

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
22/10/2019
Une injonction de payer qui n’a pas été signifiée dans les six mois après son prononcé est caduque, même si le débiteur s’exécute spontanément.
Des débiteurs ont fait l’objet d’une ordonnance portant injonction de payer en 2001. Ils ont commencé par s’exécuter spontanément, sans attendre que leur créancier leur signifie la décision. Pour une raison non rapportée par l’arrêt, en 2015, soit quatorze ans plus tard, le créancier a dû procéder à une saisie-attribution sur le fondement de cette décision. C’est alors que les débiteurs en ont invoqué la caducité en se prévalant de l’absence de la signification qui aurait dû intervenir dans les six mois suivant le prononcé de l’ordonnance.
Cette contestation a été rejetée par une cour d’appel qui a considéré que l’exécution volontaire de l’ordonnance en emporte l’acquiescement. Un pourvoi en cassation a été formé.

Avec une motivation très succincte, la Haute juridiction a conclu à la violation de l’article 1411 du Code de procédure civile et a prononcé la cassation. Ainsi donc, elle considère que l’acquiescement tacite manifesté par une exécution spontanée ne peut pallier l’absence de signification de l’ordonnance.

La jurisprudence s’inscrit dans la logique de la position de la Cour de cassation qui a déjà jugé en 2016 que l’ordonnance sur requête ne constitue pas un jugement au sens de l’article 409 du Code de procédure civile et n’est donc pas susceptible d’acquiescement (Cass. 2e civ., 30 nov. 2016 n° 15-15.035 Bull. civ. II, n° 259).

La justification théorique se trouve aisément : l’ordonnance portant injonction de payer est rendue de manière non contradictoire et sa signification est essentielle pour en permettre une éventuelle contestation.
Cependant, les conséquences pratiques de cette solution paraissent contredire l’esprit de célérité qui constitue l’intérêt de la procédure. En effet, l’injonction de payer est destinée à obtenir rapidement un titre exécutoire pour une créance qui « paraît fondée » et qui n’est donc pas censée soulever de difficultés (CPC, art. 1409). Si après ce contrôle judiciaire, le débiteur reconnaît sa dette par une exécution spontanée, la lourdeur de l’exigence du contradictoire ne se justifie plus. De surcroît, bien que les faits rapportés ne donnent pas le détail, la contestation soulevée dans cet arrêt semble de nature purement procédurale, sans difficultés sur le fond. Elle peut donc avoir résulté d’une démarche dilatoire qui, le cas échéant, aurait dû être empêchée.

On retiendra ainsi de cet arrêt que la signification est une étape fondamentale, qui ne peut être négligée même dans le cas d’un retour à de bonnes relations entre les parties. On espérera néanmoins qu’avec l’introduction de la nouvelle procédure d’injonction de payer pour les créances de sommes modiques par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 (JO 24 mars), la Cour de cassation assouplira sa position, au moins pour ces créances en particulier.
Source : Actualités du droit