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La semaine du droit de l'urbanisme

Public - Urbanisme
14/06/2021
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit de l'urbanisme, la semaine du 7 juin 2021.
Demande indemnitaire – droit de délaissement
« Selon l’arrêt attaqué (Lyon, 19 novembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 18 avril 2019, pourvoi n° 18-11.414), M. W et M. S, propriétaires d’une parcelle de terre située dans un emplacement réservé par le plan d’occupation des sols, ont mis en demeure la commune [Localité 1] (la commune) de l’acquérir en application de la procédure de délaissement alors prévue par l’article L. 123-9 du Code de l’urbanisme.
Aucun accord n’étant intervenu sur le prix de cession, un jugement du 20 septembre 1982 a ordonné le transfert de propriété au profit de la commune et un arrêt du 8 novembre 1983 a fixé le prix d’acquisition.
Le 22 décembre 2008, le terrain a été revendu et, le 18 octobre 2011, a fait l’objet d’un permis de construire.
Le 29 octobre 2013, Mme B, venant aux droits de MM. W et S, a assigné la commune en paiement de dommages-intérêts.
 
Selon l’article 7, alinéa 1er, de la loi du 31 décembre 1968, la prescription quadriennale doit être invoquée avant que la juridiction saisie du litige en première instance se soit prononcée sur le fond.
Mme B a assigné la commune en indemnisation de son préjudice par acte du 29 octobre 2013.
Sa demande indemnitaire, résultant de la privation de la plus-value née de la revente de ses parcelles, portait sur une créance soumise à la prescription quadriennale de l’article 1er, alinéa 1er, de la loi précitée.
Toutefois, la commune ne s’est prévalue de la prescription quadriennale que devant la cour d’appel de renvoi.
Il en résulte que l’action de Mme B était recevable.
Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux justement critiqués, dans les conditions prévues par l’article 620, alinéa 1er, du Code de procédure civile, l’arrêt se trouve légalement justifié.
 
Dans son arrêt du 18 avril 2019, la Cour de cassation a jugé qu’un auteur de Mme B ayant, sur le fondement du droit de délaissement et moyennant un prix de 800 000 francs (121 959,21 euros), cédé à la commune son bien, qui faisait alors l’objet d’une réserve destinée à l’implantation d’espaces verts, et que la commune, sans maintenir l’affectation du bien à la mission d’intérêt général ayant justifié sa mise en réserve, avait modifié les règles d’urbanisme avant de revendre le terrain, qu’elle avait rendu constructible, à une personne privée, moyennant un prix de 5 320 000 euros, il en résultait que, en dépit du très long délai séparant les deux actes, la privation de toute indemnisation portait une atteinte excessive au droit au respect des biens de Mme B au regard du but légitime poursuivi, de sorte qu’en rejetant la demande de dommages-intérêts formée par celle-ci, la cour d’appel avait violé l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Dès lors que la Cour de cassation a opéré elle-même un contrôle de proportionnalité, le moyen, qui tend à remettre en cause le contrôle de proportionnalité surabondamment exercé par la cour d’appel de renévoi, est inopérant ».
Cass. 3civ., 10 juin 2021, n° 19-25.037, FS-P+R *
 
 
Non-conformité des toitures – obligation – contrôleur
« Selon l’arrêt attaqué (Paris, 5 février 2020), la société civile immobilière Vaux-le-Pénil-logistique RD 82, aux droits de laquelle vient la société K&B, a entrepris la construction d’une plate-forme logistique composée d’entrepôts et de bureaux.
Les travaux ont été confiés à la société GSE, qui a sous-traité le lot charpente métallique à la société Baudin Châteauneuf.
La société Bureau Veritas, aux droits de laquelle vient la société Bureau Veritas construction, a reçu une mission de contrôle technique.
Une police unique de chantier couvrant les dommages à l’ouvrage et la responsabilité des constructeurs en cas de dommages de nature décennale a été souscrite auprès de la société Axa.
Après la réception de l’ouvrage, à la suite d’un orage, une partie de la toiture d’un des entrepôts s’est affaissée.
La société Logiforce, nouvelle propriétaire de l’immeuble, a demandé l’indemnisation de ses préjudices résultant, notamment, de la non-conformité des toitures.
 
La société Logiforce conteste la recevabilité du premier moyen de la société GSE, pris en sa première branche. Elle soutient que le moyen est nouveau et mélangé de fait.
Cependant, la société GSE soutenait, devant la cour d’appel, que la société Logiforce était défaillante dans la preuve d’une faute et d’un dommage en lien avec la faute alléguée.
Le moyen, qui n’est pas nouveau, est donc recevable.
 
Vu les articles 1134, alinéa 1er, 1147, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1382, devenu 1240, du Code civil :
Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Selon le deuxième, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Selon le dernier, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il résulte de la combinaison de ces textes qu’en l’absence de désordre, le non-respect des normes qui ne sont rendues obligatoires ni par la loi ni par le contrat ne peut donner lieu à une mise en conformité à la charge du constructeur.
Pour condamner l’entrepreneur et son sous-traitant à indemniser le propriétaire de l’ouvrage du coût de la mise en conformité des toitures avec les prescriptions du document technique unifié (DTU) 43.3, l’arrêt énonce que, quand bien même le marché ne fait pas référence à ce document, celui-ci et l’ensemble des DTU font partie intégrante de la catégorie plus large des règles de l’art, ensemble des règles et techniques professionnelles validées par l’expérience et admises par les professionnels, opposables à ceux-ci, et que la responsabilité des constructeurs et du contrôleur peut donc être retenue puisque la charpente de l’entrepôt livré s’est révélée non-conforme à un DTU.
En statuant ainsi, après avoir relevé que le DTU 43.3 n’était pas mentionné dans le marché et n’avait pas été contractualisé et que la non-conformité n’avait été à l’origine d’aucun désordre, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
 
Vu l’article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Pour condamner le contrôleur technique à indemniser le propriétaire de l’ouvrage du coût de sa mise en conformité avec les prescriptions du DTU 43.3, l’arrêt constate, d’abord, que la mission de la société Bureau Veritas portait sur la solidité des ouvrages et sur la sécurité des personnes.
Il énonce, ensuite, que le contrôleur, chargé de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d’être rencontrés dans la réalisation des ouvrages, dont la charpente, n’avait pas su déceler la non-conformité.
En statuant ainsi, alors qu’elle avait retenu que la non-conformité des toitures au DTU 43.3 n’affectait ni la solidité de l’ouvrage ni sa destination, la cour d’appel a violé le texte susvisé 
».
Cass. 3civ., 10 juin 2021, n° 20-15.277, FS-P *


Responsabilité contractuelle – constructeurs – prescription
« Selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 3 février 2020), en juin 2003, Mme B et M. J ont confié des travaux de réfection d’une terrasse à la société M3 construction (l’entreprise), assurée auprès de la SMABTP jusqu’en 2012, puis auprès de la société Axa France IARD (la société Axa).
Se plaignant de désordres, Mme B et M. J ont, le 3 octobre 2011, obtenu un accord de l’entreprise pour réaliser les travaux de réparation.
Le 6 juin 2016, les désordres persistant, Mme B et M. J ont, après expertise, assigné en indemnisation l’entreprise, qui a, le 18 janvier 2017, appelé en garantie son assureur, la société Axa.
 
Vu les articles 1792-4-3, 2220 et 2240 du Code civil :
Selon le premier de ces textes, en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux.
Aux termes du deuxième, les délais de forclusion ne sont pas, sauf dispositions contraires prévues par la loi, régis par le présent titre.
Aux termes du troisième, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.
En alignant, quant à la durée et au point de départ du délai, le régime de responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs sur celui de la garantie décennale, dont le délai est un délai d’épreuve (3e Civ., 12 novembre 2020, pourvoi n° 19-22.376, à publier), le législateur a entendu harmoniser ces deux régimes de responsabilité.
Il en résulte que le délai de dix ans pour agir contre les constructeurs sur le fondement de l’article 1792-4-3 du Code civil est un délai de forclusion, qui n’est pas, sauf dispositions contraires, régi par les dispositions concernant la prescription, et que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait n’interrompt pas le délai de forclusion.
Pour condamner la société Axa, l’arrêt retient, d’une part, que le délai de dix ans prévu à l’article 1792-4-3 du Code civil est un délai de prescription, d’autre part, que l’accord du 3 octobre 2011, intervenu entre les consorts B-J et l’entreprise, constitue une reconnaissance de responsabilité, opposable à l’assureur, laquelle a interrompu le délai décennal de l’action en responsabilité contractuelle de droit commun intentée par les maîtres de l’ouvrage pour des dommages intermédiaires, de sorte que l’action au fond introduite le 6 juin 2016 est recevable.
En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Cass. 3civ., 10 juin 2021, n° 20-16.837, FS-P+R *
 
 

*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 14 juillet 2021.
 
Source : Actualités du droit