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La semaine du droit immobilier

Civil - Immobilier
29/03/2021
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit immobilier, la semaine du 22 mars 2021.
Parcelle – désenclavement – objet  
« Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 juin 2019), S. X, aux droits duquel se trouvent MM. D. et M. X, ses fils, et Mme X, son épouse, (les consorts X), propriétaires de la parcelle AT 59, ont assigné M. Y et Mme Z, propriétaires de la parcelle contiguë, cadastrée AT 167, en reconnaissance d’une servitude conventionnelle de passage par tout véhicule sur cette parcelle. Un arrêt du 6 novembre 2007, devenu irrévocable, a reconnu un seul droit de passage piétonnier.
Un arrêt, devenu irrévocable, du 24 septembre 2015 a rejeté la demande reconventionnelle des consorts X en reconnaissance d’une servitude conventionnelle de passage en voiture sur la parcelle AT 63, propriété de M. Y et Mme Z.
Se prévalant de l’absence d’accès à leur parcelle en voiture, les consorts X ont assigné M. Y et Mme Z en reconnaissance de l’existence d’une servitude de passage pour cause d’enclave. Après expertise, ils ont sollicité que le passage ait pour assiette les parcelles AT 167 et AT 63.
 
En application de l’article 1355 du Code civil, il a été jugé que se heurtait à l'autorité de la chose jugée une demande fondée sur une servitude par destination du père de famille, qui, opposant les mêmes parties, tendait, comme la demande originaire pour cause d’enclave, à la reconnaissance d'un droit de passage grevant et profitant aux mêmes parcelles sur un fondement juridique différent, alors que les demandeurs se bornaient à développer des moyens nouveaux qu'il leur appartenait d'invoquer lors de la précédente instance (3 e Civ., 16 juin 2011, pourvoi n° 10-18.925, Bull. 2011,a III, n° 105).
Or, la demande de reconnaissance d’une servitude de passage du fait de l’homme et celle d’une servitude légale n’ont pas le même objet, de sorte que, le principe de concentration des moyens n’étant pas applicable, la seconde demande ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée sur la première.
Ayant retenu que les consorts X ne demandaient plus une servitude conventionnelle comme dans les instances antérieures, mais un désenclavement sur le fondement des articles 682 et suivants du Code civil, soit une servitude légale, de sorte que, l'avantage recherché étant différent, il n’y avait pas identité d'objet, la cour d’appel en a exactement déduit que leur action était recevable ».
Cass. 3ème civ., 25 mars 2021, n° 19-20.603, P *
 
 
Syndicat – autorisation à agir en justice – rapport
« Selon l’arrêt attaqué (Rouen, 12 février 2020), le 16 novembre 2017, un syndicat de copropriétaires, se plaignant de désordres dans la construction de l’immeuble, a, après expertise, assigné en réparation de son préjudice la société Gan Assurances, assureur de la société chargée du gros œuvre.
Le 25 avril 2019, se prévalant du défaut d’habilitation du syndic, la société Gan Assurances a signifié des conclusions d’incident demandant l’annulation de l’assignation.
 
D’une part, l’article 12 du décret n° 2019-650 du 27 juin 2019 a inséré, après le premier alinéa de l’article 55 du décret du 17 mars 1967, un alinéa aux termes duquel seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir de l’absence d’autorisation du syndic à agir en justice.
Publié au Journal officiel du 28 juin 2019, ce texte est, en l’absence de disposition spécifique, entré en vigueur le 29 juin 2019.
Si, relatif à la procédure, il est immédiatement applicable aux instances en cours à cette date, il n’a pas pour conséquence, en l’absence d’une disposition expresse, de priver de leurs effets les actes qui ont été régulièrement accomplis sous l’empire du texte ancien (2e Civ., 30 avril 2003, pourvoi n° 00-14.333, Bull. 2003, II, no 123).
Dès lors, il n’est appelé à régir les exceptions de nullité tirées du défaut d’autorisation donnée au syndic pour agir en justice au nom du syndicat des copropriétaires que si celles-ci ont été présentées à compter du 29 juin 2019. Les conclusions d’incident de la société Gan Assurances ayant été signifiées antérieurement à cette date, c’est sans encourir le premier grief du moyen que la cour d’appel a statué en l’état du droit antérieur à l’application du décret du 27 juin 2019.
D’autre part, le défaut d’autorisation du syndic d’agir en justice au nom du syndicat constitue, lorsqu’elle est exigée, une irrégularité de fond, dont le régime est fixé par les articles 117 à 121 du Code de procédure civile et qui peut être invoquée par tout défendeur à l’action (3e Civ., 12 octobre 1988, pourvoi n° 86-19.403, Bull. 1988, III, n° 140 ; Ass. plén., 15 mai 1992, pourvoi n° 89-18.021, Bull. 1992, AP, no 5).
C’est par conséquent sans encourir le second grief du moyen que la cour d’appel a statué sur l’exception de nullité présentée par la société Gan Assurances.
Le moyen n’est donc pas fondé.
 
D’une part, ayant souverainement retenu que la résolution votée lors de l’assemblée générale du 25 février 2019 identifiait la personne à poursuivre mais ne contenait aucune désignation des désordres et procédait par renvoi au rapport d’expertise, alors qu’aucune mention du procès-verbal n’indiquait qu’il aurait été présenté aux copropriétaires lors de son déroulement et que la liste des pièces annexées à la convocation n’en faisait pas mention, la cour d’appel a pu en déduire que l’habilitation votée afin de régulariser l’assignation était atteinte par un vice.
D’autre part, ayant à bon droit énoncé que l’information devait être délivrée aux copropriétaires concomitamment au vote de l’habilitation et que le syndicat ne pouvait se prévaloir, pour régulariser l’absence de mention des désordres, d’une présentation du rapport faite antérieurement à cette assemblée, la cour d’appel en a exactement déduit que l’assignation devait être annulée.
Le moyen n’est donc pas fondé ».
Cass. 3ème civ., 25 mars 2021, n° 20-15.307, F-P *
 
 
Parcelle – droit de passage – paiement de l’indemnité
« Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 janvier 2020), un arrêt devenu irrévocable du 30 janvier 2012 a accordé, au profit de parcelles enclavées, devenues la propriété de MM. F. et N. X, une servitude de passage sur une parcelle, propriété de la SCI du Pramaou (la SCI), et fixé le montant de l’indemnité de désenclavement.
Se prévalant de l'absence de paiement intégral de cette indemnité, la SCI a assigné les consorts X en cessation des travaux permettant l’exercice du passage.

Ayant, par motifs adoptés, retenu à bon droit que l’exercice du droit de passage n’est pas subordonné au paiement préalable de l’indemnité de désenclavement, la cour d’appel en a exactement déduit que la SCI ne pouvait prétendre à la démolition de l'accès consenti aux propriétaires du fonds dominant ni obtenir qu'il leur soit fait interdiction de pénétrer sur sa propriété.
Le moyen n’est donc pas fondé ».
Cass. 3ème civ., 25 mars 2021, n° 20-15.155, F-P *
 
 
Logement de fonction – action en expulsion – prescription
« Selon l’arrêt attaqué (Paris, 19 novembre 2019), le 21 septembre 1962, Mme X a été embauchée par la Caisse centrale de crédit hôtelier, commercial et industriel, aux droits de laquelle vient la société Bpifrance Financement.
Le 13 janvier 1975, un logement a été mis à sa disposition par son employeur à titre d’accessoire à son contrat de travail.
Le 31 juillet 2004, Mme X a pris sa retraite et a continué à occuper les lieux.
Le 25 juillet 2014, souhaitant vendre le logement libre d’occupation, la société Bpifrance Financement a délivré à Mme X un congé à effet du 31 juillet 2015.
Mme X ayant refusé de libérer les lieux, au motif qu’elle bénéficiait d’un bail d’habitation, la société Bpifrance Financement l’a assignée en expulsion.
 
Vu les articles 544 et 2227 du Code civil :
Selon le premier de ces textes, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. Selon le second, le droit de propriété est imprescriptible.
La revendication est l’action par laquelle le demandeur, invoquant sa qualité de propriétaire, réclame à celui qui la détient la restitution de son bien (3e Civ., 16 avril 1973, pourvoi n° 72-13.758, Bull., III, n° 297).
Pour déclarer irrecevable comme prescrite l’action de la société Bpifrance Financement, l’arrêt retient qu’elle tend à l’expulsion de l’occupante d’un logement de fonction constituant l’accessoire d’un contrat de travail qui a pris fin, le terme de la convention interdisant à l’ancienne salariée de se maintenir dans les lieux, de sorte qu’il ne s’agit pas d’une action de nature réelle immobilière, mais d’une action dérivant d’un contrat soumise à la prescription quinquennale de droit commun.
L’arrêt retient encore qu’en application de l’article 26 II de la loi du 17 juin 2008, un nouveau délai de cinq ans a commencé à courir le 19 juin 2008 pour expirer le 19 juin 2013, de sorte que l’action engagée le 24 septembre 2015 est atteinte par la prescription.
En statuant ainsi, alors que l’action en expulsion d’un occupant sans droit ni titre, fondée sur le droit de propriété, constitue une action en revendication qui n’est pas susceptible de prescription, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Cass. 3ème civ., 25 mars 2021, n° 20-10.947, F-P *
 
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 29 avril 2021.
 
Source : Actualités du droit